Pas-de-Calais: Temps de travail, 2 syndicats appellent à la mobilisation…
Depuis des semaines, les négociations au sujet du temps de travail des sapeurs-pompiers du Pas-de-Calais patinent. Le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS 62) doit s’aligner sur les directives européennes avant le 1er janvier. La direction estime que sa proposition est en adéquation avec ce que l’Europe demande et que les sapeurs-pompiers y sont gagnants car ils « travailleront moins pour un salaire égal ».
Deux syndicats néanmoins, insatisfaits par la proposition, appellent à la grève et à la manifestation ce vendredi. Le point sur la situation.
Dans le Pas-de-Calais, les sapeurs-pompiers professionnels ont, soit un régime de travail organisé avec 90 gardes de vingt-quatre heures et 12 gardes de douze heures de jour, soit un régime organisé avec 84 gardes de vingt-quatre heures et 20 gardes de douze heures. Ces régimes correspondent à 2 304 heures de présence en centre de secours, réparties sur 102 jours ou 2 256 heures de présence réparties sur 104 jours.
Six réunions de négociations ont été organisées pour tenter d’arriver à un accord entre la direction et les six partenaires sociaux représentant les sapeurs-pompiers professionnels. Accord qui n’a pour l’heure pas encore été trouvé.
Les syndicats appellent à la mobilisation.
Cinq syndicats se trouvaient à la table des négociations ces dernières semaines face à la direction départementale. L’accord n’a pas encore été trouvé entre la direction et les partenaires sociaux. D’ailleurs, deux syndicats, les Autonomes (majoritaire) et Sud appellent à la mobilisation générale ce vendredi 20 décembre.
Dans un communiqué, mardi, deux organisations indiquaient que «le temps du dialogue est arrivé à son terme ce mardi 17 décembre.
Suite à la dernière proposition de notre état-major, que nous avions déjà refusée, les syndicats SA62 et SUD 62 appellent à une manifestation le vendredi 20 décembre à 10 h 30 à la direction départementale à l’occasion du dernier conseil d’administration de l’année.»
Ces derniers restent sur leurs positions et souhaitent que chaque heure de présence au sein des casernes soit considérée comme une heure de travail et qu’elle soit donc rémunérée. Pour le moment, sur une garde de vingt-quatre heures, les 8h de minuit à 8h du matin ne sont pas rémunérées pour les sapeurs-pompiers professionnels. «Nous ne voulons pas travailler moins pour gagner plus. Nous voulons partager le temps de travail pour favoriser la création d’emplois conformément aux lois Aubry, lois françaises et à la directive européenne sur la protection de la santé et de la sécurité du travailleur», conclut le communiqué.
Réponse de la direction.
Le président du SDIS 62, Christophe Pilch, le colonel Laurent Moreau, directeur départemental et son adjoint, le colonel Pascal Miaux, tenaient mercredi matin à répondre aux inquiétudes des syndicats. Mais aussi et surtout à mettre les choses au clair une bonne fois pour toutes : «La proposition que nous avons faite n’est peut-être pas la meilleure à leurs yeux, mais elle est dans les clous au regard des droits français et européen, et on ne peut pas faire mieux. » «Le droit français permet de distinguer le travail effectif du temps de présence, note la direction. Ainsi, un régime dérogatoire est octroyé aux services départementaux d’incendie et de secours afin de tenir compte des temps d’inaction des personnels lors des garde.»
Jusqu’à maintenant, le SDIS 62 estimait donc le temps de travail effectif des SPP à 16 heures. Sur une garde de vingt-quatre heures, seize sont donc payées. Dans la proposition faite par la direction aux organisations syndicales, le temps de travail effectif a été estimé à 17,09 heures. «Ils diminueront donc leur temps de travail tout en conservant le même salaire, note Christophe Pilch. C’est une bonne proposition, même si ce n’est pas ce qu’ils demandent. De toute façon, ce qu’ils demandent n’est pas légal. Une heure de présence équivalant à une heure de travail payé, cela remettrait totalement en cause le régime des gardes de 24 heures puisqu’il est interdit de faire plus de onze heures de travail effectif d’affilée sans avoir le même temps de récupération derrière. Cela équivaudrait à passer au régime des trois huit, qui n’est pas du tout en adéquation avec la mission de continuité du service public des sapeurs-pompiers.»
Pour ce faire, le régime des gardes est donc révisé. Le nouveau régime se déclinerait comme suit : 80 gardes de vingt-quatre heures et 20 gardes de douze heures de jour. Ce qui ferait un total de 2 160 heures de présence en caserne sur l’année «pour 1 607 heures travaillées effectives», calcule la direction départementale. «Ce nouveau régime leur permet de conserve la possibilité d’effectuer 96 heures supplémentaires (en formation, etc.) dont vingt-quatre en garde postée, soulignent les colonels Moreau et Miaux. Ainsi, le temps de présence pourra être diminué jusqu’à 144 heures pour certains, donc entre 4 et 6 % de moins.»
Enfin, la direction appelle à la raison en termes d’économie. «Cette proposition a un coût pour le SDIS 62, entre 1,2 et 1,8 million d’euros par an, selon le mode de remplacement choisi pour les près de 90 000 heures de présence de professionnels en garde postée à palier», explique le directeur départemental. «Cela dans un contexte budgétaire contraint, poursuit Christophe Pilch. Le conseil général a voté mardi son budget 2014, qui octroie au SDIS 5,4 millions d’euros supplémentaires, soit une hausse de 8,2 %. L’effort consenti est déjà conséquent. On ne peut pas faire plus. »
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En réponse, deux syndicats de pompiers très en colère suite aux déclarations du directeur départemental
Si le SDIS62, basé à Saint-Laurent-Blangy, a procédé il y a longtemps à la refonte de la filière et annoncé un assouplissement de l’application du double statut pompier professionnel/volontaire, il tarde à parapher un accord avec les syndicats sur ce point chaud. Des syndicats énervés par les déclarations du directeur du SDIS62 Laurent Moreau, qui estimait le 5 décembre dans nos colonnes qu’«on ne peut proposer des mesures irréalisables financièrement, techniquement et moralement. Trois cents jours de congé dans l’année, dans un territoire qui souffre, ce n’est pas concevable… »
Du côté du Syndicat des autonomes (majoritaire), on est plus grinçant. Les déclarations du colonel Moreau ont été perçues comme des propos «provocateurs et inconséquents qui illustrent la méconnaissance de la législation européenne et française à laquelle sont soumis les sapeurs-pompiers professionnels, fonctionnaires territoriaux».
Déplorant des carences liées au faible recrutement alors que le nombre d’interventions a doublé en quinze ans dans le Pas-de-Calais, le syndicat affirme que payer seize heures de garde pour vingt-quatre de présence «devient plus que jamais inéquitable et inacceptable !» : «Aujourd’hui, il faut savoir que les sapeurs-pompiers professionnels ne sont plus payés à partir de minuit et ce jusqu’à 8 heures du matin. Nos collègues de la police nationale sont des fonctionnaires d’État et nos collègues hospitaliers des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière : ils travaillent tous 1 607 heures par an. Or, actuellement les sapeurs-pompiers professionnels travaillent 2 400 heures payées 1 607 !»
Et les Autonomes de menacer : «Faudra-t-il que nous organisions une grève dure en nocturne ? »
Leur objectif : «partager le temps de travail pour créer des postes de pompiers professionnels et de l’emploi ! » Et d’en «appeler à l’arbitrage de Martine Aubry», la dame des trente-cinq heures, tout en taclant les membres de la direction, qui «eux sont à 1 607 heures depuis toujours, avec des maisons de fonction, des voitures de fonction, des indemnités forfaitaires d’heures supplémentaires non comptabilisées donc non effectuées ».
La CGT a réagit aussi. Si Arnaud Mullet indique que la CGT «reste ouverte au dialogue», Dimitri Henon, secrétaire général CGT des agents du SDIS62, rappelle «qu’il ne faut pas trop tarder» : «C’est vrai que le délai est court, mais c’est une directive qui date de 2003 pour protéger les travailleurs de l’Union européenne. Si on s’y était pris avant, comme dans les autres départements, on n’en serait pas là. On ne peut travailler plus de 2 256 heures par an. On a calculé les heures de présence, on arrive à 2 400 heures dans le Pas-de-Calais, alors que normalement, un agent doit faire 1 607 heures par an.»
Les syndicats insistent sur le fait que les heures passées à la disposition de l’employeur «sans pouvoir vaquer à nos occupations personnelles» doivent être considérées comme des heures de travail effectives. Ils livrent un calcul : «Depuis 2003, l’administration a bénéficié de plus de 700 000 heures. C’est trente postes de pompiers gagnés.»